Jugements de valeur ou faits précis diffamatoires ?
Arrêt de la cour de cassation du 5 juin 2012 :
"Attendu que, pour dire non caractérisé le délit de diffamation publique envers Mme Y...en raison de plusieurs passages visés par la poursuite, l'arrêt observe qu'il aurait été difficile pour les prévenus de démontrer que la gestion des ATOS n'avait pas été " véritablement " anticipée, que n'avaient pas été tenues de " véritables " réunions pédagogiques, que la gestion des stages était " mal assurée ", qu'il n'avait pas été " imaginé un scénario " pour assurer la continuité des activités du centre équestre, qu'il n'y avait pas de politique en matière de recrutement, que l'avis des équipes pédagogiques n'était pas pris en compte, et que la directrice manquait d'intérêt pour ses missions extérieures ; que ces griefs vagues sont en réalité des jugements de valeur sur la gestion de Mme Y..., et ne constituent pas des imputations diffamatoires au sens de la loi ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que, pour être diffamatoire, une allégation ou une imputation doit se présenter sous la forme d'une articulation précise de faits de nature à être sans difficulté l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire, la cour d'appel a justifié sa décision ;"
Mme Y gère un établissement public d'enseignement et de formation professionnelle agricole. Les critiques concernant son établissement ne sont pas des faits précis pouvant faire l'objet d'un débat.
La suite de l'arrêt :
"Attendu que pour accorder aux prévenus le bénéfice de la bonne foi, après avoir dit que les autres passages poursuivis comportaient des griefs précis relatifs à l'incompétence et à la mauvaise gestion de la directrice, portant atteinte à la considération professionnelle de l'intéressée, l'arrêt retient que le droit à la libre expression doit être entendu largement lorsqu'il est exercé pour la protection d'un intérêt social ou collectif, que les énonciations des lettres litigieuses doivent être appréciées dans le contexte du très grave conflit opposant la directrice aux personnels de l'établissement et à leurs représentants, qu'il était naturel que ceux-ci manifestent leur inquiétude auprès de toutes les autorités concernées, et qu'il ressort des pièces versées aux débats qu'il existait effectivement de grandes difficultés de communication et de dialogue entre la direction et le personnel ;
Que les juges en concluent que les prévenus poursuivaient un but légitime, et qu'ils disposaient d'éléments sérieux lorsqu'ils ont diffusé les courriers en cause ;
Attendu que la cour relève, par ailleurs, que les deux lettres sont rédigées avec une certaine modération dans le ton, et ne laissent transparaître aucune animosité à l'égard de Mme Y..., dont la personnalité ou le caractère ne sont pas évoqués, et que les propos litigieux n'ont finalement excédé, ni sur le fond, ni dans la forme, les limites du droit d'expression et de critique dans le cadre d'un conflit collectif ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, sans déduire la bonne foi des prévenus de faits postérieurs à la diffusion des propos diffamatoires, ainsi que la cour de cassation est en mesure de s'en assurer, la cour d'appel a justifié sa décision ;"
Les lettres contenaient des critiques ne contenant pas des faits précis, mais aussi des critiques contenant des faits précis. Pour ces dernières, la cour de cassation approuve la cour d'appel qui a accepté la bonne foi des syndicalistes.
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